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R comme recyclage : le retour de la consigne ? interview

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Florence Albert, étudiante en Master d’économie écologique et développement durable est en stage pour 6 mois au Parc naturel régional du Haut Languedoc pour réaliser une étude exploratoire sur la mise en place d’un système de consigne, face notamment, à la hausse du prix du verre.
Elle a très gentiment accepté de répondre à toutes nos questions.

Le Parc vous a missionnée durant votre stage pour une étude sur la consigne à l’échelle de son territoire. Vous pouvez nous présenter le cadre de votre travail ?

Le Parc naturel régional du Haut Languedoc a été sollicité par plusieurs producteurs agricoles qui réfléchissent à mettre en place une unité de lavage des bocaux et des bouteilles en verre, pour faire face à la hausse des prix.

Le Parc attendait donc principalement de ma part, un benchmark, c’est-à-dire un état des lieux des initiatives existantes en matière de consigne et un diagnostic de territoire pour en savoir plus sur l’intérêt des producteurs du territoire pour la mise en place de la consigne du verre.

L’idée était de consulter l’ensemble des producteurs alimentaires et cosmétiques du territoire et à la suite de ce diagnostic, de proposer des scénarios envisageables, sans aller jusqu’à l’étude de marché.

Vous avez donc mené une enquête. Comment avez-vous procédé ?

J’ai d’abord élaboré un questionnaire en 3 parties.

Une 1ère série de questions pour connaître la situation des producteurs de contenants en verre et faire un état des lieux, une 2nde partie destinée à connaître leur expérience sur le réemploi et enfin, une 3ème partie pour comprendre les difficultés et les aspects positifs que pose la consigne pour celles et ceux qui l’ont déjà mis en œuvre.

160 producteurs utilisant des emballages en verre ont été consultés et 86 ont répondu à l’enquête.

J’ai également mené des interviews auprès d’une douzaine de commerçants répartis géographiquement sur le territoire pour affiner cette enquête.

Et quels ont eté les résultats les plus parlants de cette enquête ?

Sur ces 86 réponses reçues, 72 utilisent des contenants en verre

– ¼ sont des viticulteurs

– 14% produisent de la confiture

– 10% des jus et sirops

– le reste : huile, bière, miel, crème de marrons, yaourt, quelques alcools, plats transformés

                – près de la moitié des producteurs (49%) utilisent uniquement des bouteilles

                – 27 % utilisent seulement des bocaux

                – et le reste utilise les 2

Quel volume de verre, cela représente-t-il sur le territoire ?

D’après l’enquête, ces producteurs vendent 3,5 millions de bouteilles et 165.000 pots et bocaux par an et 55% de leur production est vendue dans l’Hérault et le Tarn, soit 2 millions de contenants.

Et plus précisément, parmi les producteurs qui se sont dits intéressés par un système de consigne, cela représenterait 3,16 millions de bouteilles et 105.000 pots et bocaux.

Géographiquement, la production de contenants en verre est concentrée sur 4 secteurs principaux du territoire :

  • La zone Bédarieux / Faugères et Minervois
  • La zone autour de Mazamet
  • La Salvetat-sur-agoût
  • La vallée Orb-Jaur

Pour déterminer le volume de verre que l’on peut récupérer et savoir où le collecter, nous devons connaitre les circuits de commercialisation et savoir où sont vendus les contenants en verre.

En moyenne,     37 % de la production est vendue dans des petits commerces, des épiceries et chez des cavistes.

34%, en vente directe, sur l’exploitation, sur le marché

13% en hôtel / restaurant

Très peu de ventes se font vers la restauration collective et les moyennes et grandes surfaces

La grosse part étant vendue en vente directe, les volumes de contenants sont à récupérer chez les producteurs et dans les petits commerces.

Du côté des producteurs, quelles difficultés peut poser la mise en place d’un système de consigne ?

56% des producteurs qui ont répondu à l’enquête récupèrent leurs contenants mais seulement 21% les lavent et les remettent dans le circuit.

Sur les 86 répondants, les principaux freins ou difficultés sont :

– Pour 37% : le problème de stockage des contenants sales. Cela nécessite en effet, de la place de stockage pour les commerçants ou les producteurs

– Pour 33% : le fait d’investir de l’argent

– Pour 15% : le fait d’investir du temps supplémentaire.

– 6% se demandent comment récupérer les contenants.

– et de manière plus anecdotique : le respect des normes sanitaires et le souci d’hygiène su le lavage n’est pas bien fait ou encore l’éloignement géographique (le fait de se déplacer pour récupérer les contenants)

Nous leur avons demandé quelle distance ils seraient prêts à faire pour passer à la consigne. La réponse est 30 minutes de trajet.

Sur les 15 producteurs qui pratiquent déjà concrètement le réemploi :

– 12 ont leur propre logistique

– 3 travaillent déjà avec des sociétés de consigne (2 avec Oc’Consigne / 1 avec Consigne Up)

Et si l’on affine leur pratique, sur ces 21% de producteurs qui utilisent un système de consigne :

– 13% utilisent la consigne avec leurs clients et leurs revendeurs

– 5% seulement avec leurs clients

– 3% seulement avec leurs revendeurs

Ils y consacrent environ 2hrs par semaine ou 2 à 3 jours par an

Il ressort de l’enquête que globalement, les producteurs sont partants pour un système de consigne.

La dimension économique reste importante pour eux, ils veulent un prix moins cher ou au moins équivalent à du verre neuf.

L’enquête montre que :

– 64% (toujours sur 86 réponses) sont intéressés pour y participer

– 28% sont intéressés mais ne souhaitent pas participer

– 8% ne sont pas intéressés

Et du côté des consommateurs ?

Quasiment tous les commerçants interrogés disent que les clients sont très volontaires.

Sur des études faites ailleurs en France (Cf enquête ADEME 2018), 88% des consommateurs trouvent utile d’avoir un système de consigne dans leur magasin.

Les raisons de la motivation pour la consigne, qui ressortent à la fois d’enquêtes nationales auprès de consommateurs et auprès des producteurs de l’enquête menée par le Parc sont diverses :

  • Une dimension militante : 81% ont évoqué une motivation écologique
  • 7% ont évoqué la simplification de leur activité
  • Une dimension culturelle et sociale : certains ont évoqué le développement territorial
  • Et une dimension familiale : c’est l’idée qu’on a connu la consigne avant.

Au regard de ces résultats, et des expériences qui se font ailleurs, quels scénarios vous semblent possibles pour notre territoire ?

En Europe, il y a des pays où la consigne n’a jamais été abandonnée (en Allemagne, dans les pays scandinaves)

En France, le lobby des plastiques a gagné mais la consigne est encore pratiquée en Alsace, comme par exemple la Brasserie Meteor qui la pratique depuis 100 ans.

Mais en 2012 est né le Réseau Consigne (https://www.reseauconsigne.com/) pour faire avancer la consigne.

En 2013, est fondé l’Institut National de l’Économie Circulaire (INEC) et depuis 10 ans, les initiatives ne font qu’augmenter.

A ce stade, 3 modèles possibles se dessinent :

  • Le lavage à façon : c’est-à-dire la mise en place de 3 ou 4 points de lavage sur le territoire du Parc (au vu de l’étendue), situés à 30 minutes des points où il y a des volumes à collecter.

Cela pourrait fonctionner sous forme de réservation : le producteur amène ses contenants et une personne sur place supervise le lavage pour les règles d’hygiène et de responsabilités.

L’avantage de ce système, c’est qu’il ne nécessite pas d’uniformiser les contenants.

  • Le 2ème modèle serait une collecte en tournée par un fourgon qui permettrait de récupérer les palettes de contenants et les amènerait vers une seule laveuse centralisée et fixe.

Les tournées pourraient se faire à dates fixes et les producteurs pourraient réserver un créneau

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  • 3ème modèle serait une laveuse itinérante. L’avantage de ce système est la proximité. Cela nécessite une seule personne conductrice et la laveuse pourrait se brancher sur l’eau et l’électricité du producteur qui aurait à sa disposition des palox (des grandes caisses de stockage) ou des caissons.

Si un des scénarii est choisi, la prochaine étape sera d’approfondir l’étude de faisabilité.

Savez-vous si le système de consigne sera monétaire ou pas ?

Sur cette question, les études réalisées ne montrent pas de consensus.

Quand le système est payant, cela incite à ramener les contenants mais payer plus cher peut freiner des personnes.

Certains commerçants ne se sentent pas de gérer la consigne comptablement.

La majorité penche pour la consigne payante mais à condition qu’elle soit harmonisée en France

Merci Florence d’avoir partagé vos résultats avec les lecteurs d’Objectif RRRR.

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